Tout sportif, ayant eu une pratique un tant soit peu régulière, connaîtra un jour cette disposition mentale particulière appelée « le flow », qu’en français nous appelons « la zone », et qui correspond à ce que les hypnotiseurs nomment un « état d’hypnose » (mais sans être allongé, ni complétement relaxé, ni inconscient). Au terme » état d’hypnose », nous préférons le concept « d’orientation particulière de l’attention ». Car tout est une question d’attention… et de sensations.
Qu’est-ce que le flow ou la zone ? C’est un terme inventé par le psychologue Mihály Csíkszentmihályi (1975). Comme pour l’hypnose, il n’existe pas de consensus formel sur sa définition. Cependant, on pourrait le caractériser comme une prédisposition mentale où l’athlète vit « une fusion parfaite entre l’intention du Moi et la réalisation efficiente autonome du corps » (Kotler, 2019). Dit autrement, cela correspond au fait d’être « complétement impliqué dans une activité pour elle-même », au détriment de tout le reste. C’est un moment, où le sportif enchaine actions et bonnes décisions, dans une grande fluidité, sans avoir l’impression de réfléchir ses actes. Comme si tout se faisait naturellement. Comme si le corps bougeait automatiquement. Pendant ce flow, qui peut durer de quelques secondes à plusieurs dizaines de minutes, l’athlète fait l’expérience :
- d’une profonde clarté mentale, tout devient évident ;
- d’un grand calme et d’un détachement émotionnel, une sorte de dissociation, faisant oublier la dangerosité ou l’enjeu de l’expérience ;
- d’une créativité accrue, améliorant sa capacité de résolution de problème ;
- et surtout d’une sensation indescriptible de plaisir, de bien être ou de joie, comme si réaliser l’expérience ne lui coutait aucun effort.
Dans ce type d’expérience, l’athlète peut ressentir :
- une disparition du sens de soi, comme s’il ne faisait plus qu’un avec l’action, le moment (par exemple, douleur et fatigue peuvent être comme effacées durant le flow);
- une distorsion du sens du temps, comme si la durée de l’expérience subjective du sportif n’était pas en corrélation avec la durée réelle de l’événement ;
- et une perturbation du sens de l’espace, comme si tout ce qui n’était pas pertinent, dans l’action du moment, était effacé.
Le sportif se sent, dans cet instant, libéré de ses doutes, de l’insécurité, et surtout de la peur.
Beaucoup de sportifs vont courir après cette disposition mentale, soit pour réaliser à nouveau leur performance, soit simplement pour vivre, encore et encore, l’état de bien-être et de plaisir qu’elle procure (certains deviennent addicts au « shoot » d’adrénaline et d’endorphine sous-jacent). La question est donc, comment se retrouver dans le flow à volonté ?
La seule solution valable : lâcher prise avec prise. C’est à dire arrêter de vouloir contrôler ce qui ne l’est pas, ce qu’on ne peut pas changer. Ici, c’est le courant. Vous devez accepter son existence, sa force, son mouvement. Par contre, vous allez garder de la prise sur ce que vous pouvez réellement contrôler : vos 4 leviers. Vous allez vous mettre sur le dos, dans le sens du courant, les pieds en avant, pour prévenir toute collision avec un rocher. Vous allez utiliser votre imagination et votre cognition pour retrouver votre calme. Et surtout, vous aller mettre toute votre attention sur ce que vous vivez dans l’instant présent : vos sensations, et les informations de l’environnement proches et utiles. Cela vous permettra de rester vigilant à la moindre opportunité qui se présentera : branche, accalmie du courant, changement de mouvement de ce dernier, etc. Et parce que vous avez mis tout cela en place, tout lâchant ce qui n’est pas essentiel ou maitrisable, que dès qu’une opportunité arrivera, vous saurez la saisir pour sortir de cette situation.
Ainsi, le flow, l’état d’hypnose, laisser l’inconscient prendre les rennes, ne sont qu’une seule et même forme d’orientation particulière de l’attention, où cette dernière est focalisée sur ce qui est vécu dans l’expérience présente, aux détriments de toutes les autres sources d’informations moins importantes. C’est ce que l’on pourrait appeler « vivre une incarnation totale », c’est à dire se concentrer de manière absolue sur toutes nos données sensorielles, avoir conscience de son corps, dans « l’ici et maintenant », mais sans analyser ces informations, juste en les vivant, tout en négligeant les informations non pertinentes.
Ainsi, le travail d’un préparateur mental compétent, outre le développement de la maitrise des 4 processus que sont l’attention, l’imagination, la cognition et le contrôle de nos muscles volontaires, sera essentiellement de travailler sur la capacité de l’athlète à se connecter à ce flow, à vivre sa performance dans l’ici et maintenant, dans cet instant sensoriel (ce qui représente un travail de convergence des 4 processus). L’objectif sera d’apprendre, à l’athlète, à s’adapter à toutes situations. Enfin, un préparateur mental capable d’accompagner le sportif sur un véritable travail thérapeutique est également un plus non négligeable.